vendredi 5 avril 2013

GEORGES BOIVENT,JEUNE RESISTANT FOUGERAIS




   Georges Boivent,un fougerais de 18 ans engagé  avec sa famille dans la Résistance


  

            L'action


      Georges Boivent  a écrit, ses Mémoires en 1989, sous une forme dactylographiée et destinée à un public restreint. Né en 1926 de parents fougerais, travaillant dans la confection et la vente de chaussures, au 5 rue de Brizeux, Georges prend part à la Résistance  avec toute sa famille : son père Georges, sa mère Jeanne (Mahé sur ses papiers trafiqués), ses deux sœurs, Jeanne et Georgette.
 Tous sont sous les ordres du Commandant Pétri, dit Loulou Pétri, responsable du Front National pour le secteur de Fougères, puis chef des FTP de l’arrondissement. Leur domicile, rue Brizeux, constitue le PC de Loulou   Pétri. A partir de là, s’organisent le ravitaillement des  FTP, l’hébergement des réfractaires et responsables de la Résistance, les liaisons entre les groupes, la fabrication des bombes et la distribution des tracts.




 Georges et Jeanne Boivent




 Georges entre ses deux soeurs, tous résistants.Ouest-France, 15-1- 86, article
d 'E. Maret. Archives municipales, Fougères.



        L’arrestation à Fougères


    Ces résistants sont indéniablement très structurés, mais ils ne peuvent échapper à l’arrestation d’une partie de la famille. Le 3 février 1944, les parents et le jeune Boivent sont arrêtés par des gendarmes munis d’un mandat.  La mère sera libérée le 9 juin et pourra rejoindre ses deux filles dans les maquis de la Mayenne. Les deux hommes sont embarqués pour des prisons et un transfert dans des camps nazis.


   La prison de Fougères jusqu’au 5 mai, avec interrogatoire et papier avalé pour ne rien compromettre, celle de Rennes (du 5 au 9 mai), puis le camp de Compiègne (du 9 au 27 mai), tel est le parcours des deux Boivent qui ne sont jusqu’alors pas séparés. Le jeune Georges Boivent fabriquait dans l’atelier  de tôlerie-automobile d’André Delanoé des boites-tôles destinées à servir de bombes dans les attentats. Il les remettait ensuite à son père.


   Le transport dans des wagons à bestiaux


   Les détenus sont acheminés pour le camp de Compiègne, le 27 mai 1944. Georges se voit attribuer le matricule 38245, puis c’est le départ le 4 juin 1944 pour des camps nazis où se multiplient des actes d’horreur et de cruauté : les wagons à bestiaux étroits et nauséabonds, les coups de triques et de schlagues, les chiens nerveux et agressifs. Les prisonniers sont entassés dans des compartiments  avec, au milieu, un bidon d’aisance qui dégage des odeurs insupportables. Le voyage durera 7 heures interminables et propices à des problèmes de faim, de soif, du puanteur et d’asphyxie tellement les détenus sont serrés.


      
            DESCENTE AUX ENFERS DES CAMPS DE LA MORT.





Archives municipales, Fougères





     L’arrivée au camp de Neuengamme


 
 Ce camp de concentration se trouve à 20 kms de Hambourg, Commence alors le  rituel des camps : déverrouillage des portes des wagons, hurlement des SS, aboiement des chiens et coups de schlagues. Avec cette terreur instituée, le premier rang de déportés tombe sur le macadam et la voie. Le second rang, où se trouvent Georges Boivent et son père,s’affale  sur les camarades précédents. Les prisonniers sont disposés en colonnes de cinq, puis se dirigent vers l’entrée du camp et la place de l’appel, rendez-vous habituel dans une journée. L’espace peut alors se découvrir : une grande place, des bâtiments peints en vert, des baraques où sont situées l’infirmerie (ou Riever) et  les douches. Tout un décor sinistre, lieu de brimades, de matraquages et aussi de morts.

   La nourriture et l’habillement


   Les vêtements des déportés sont déposés dans un grand sac avec un nouveau matricule -Georges a désormais le 33535-, les montres et bijoux  dans un sachet papier grand comme une enveloppe. Chacun reçoit une plaque de zinc avec un numéro matricule et une ficelle à mettre autour du cou. Tous sont nus, cette humiliation se reproduit souvent, notamment en temps de grand froid.

   La nourriture est pauvre et souvent mauvaise. D’abord, à l’arrivée sur la place, les déportés s’abreuvent à même le sol, lapant les flaques d’eau sur le bitume à plat ventre. Ensuite chacun reçoit une gamelle de bouillon chaud.Les déportés se dirigent vers le sous-sol d’un grand bâtiment abritant « l’eau de la mort » ou eau chlorée.


   
    La tonte et la tenue de camp
      Passage obligé, celui de la tonte...Puis Georges reçoit  la tenue du camp : une chemise blanche sans col, une veste rembourrée soviétique et un bonnet de même texture. Pour se chausser,  il doit prendre ou des claquettes ou des bottines à semelles de bois et tiges montantes.Georges repart avec des claquettes difficiles à porter et surtout à ne pas perdre.


    Le dortoir

    Les prisonniers couchent dans des châlits à trois étages et sont allongés trois par étage, tête-bêche. La paillasse est étroite, en paille ou en copeaux. Dans ces conditions, le sommeil est difficile et haché, surtout avec les coups du chef de block, un jeune homme roux, prêt à bastonner s’il y a du bruit, notamment lorsque les prisonniers vont aux toilettes.


    Les travaux


    Ceux qui sont chaussés de bottines doivent charger des briques dans les péniches. Les autres, parmi lesquels Georges Boivent, restent au block et effectuent une marche sur un large trottoir le long du block. Ils ont à nettoyer le trottoir et le caniveau rempli d’immondices. Georges se souvient d’un spectacle atroce aperçu sur ce trottoir : l’attroupement de 10000 à 15000 détenus et la pendaison en musique de deux jeunes soviétiques, selon les habitudes du camp.


    Le rassemblement


    Le 29 juin 1944,Georges doit être transporté au camp d’Oranienbourg-Sachsenhausen (diminutif Sacho). Le père reste à Neuengamme. Moment d’effroi : le père et le fils vont devoir être séparés.

   Dans la nuit du  30 juin au 1er juillet, s’effectue le transfert à Oranienbourg -Sachsenhausen, camp situé à 20kms de Berlin, dans la plaine de Brandebourg.  Jour et nuit de cauchemar : matraque, schlague  sur les mains et les pieds, sauts de crapauds, rampés dans la boue sous la pluie. La tenue vestimentaire consiste dans une tenue rayée, gris bleu et un bonnet (mutsen);le numéro (le 3éme) 84129. L’anonymat et la confusion dans la foule afin de mieux annihiler l’homme. Le triangle rouge, autre invention pour catalogues en fonction des origines.


  



Mémorial de la Déportation (détail)Rennes.




     Le Kommando de Falkensee


   Le 2 juillet 1944, Georges Boivent, avec d’autres déportés, part en camion pour travailler dans une usine nommée Demag, chargée de la fabrication d’obus et de chars Un kapo au vêtement rayé est responsable de colonnes de travail. Georges y travaille de jour jusqu’à la libération du camp le 26 avril 1945. Il écrira à son père 4 ou 5 fois, une fois à sa mère à Fougères. La première journée consiste à décharger un wagon de sable. En tant que soudeur, il est affecté à une presse à obus. Avec d’autres, il opére des actes de sabotage afin de freiner la production. Le travail s’effectue sous les ordres d’un contremaitre, le Meister. Les SS accompagnent toujours les déportés et les encadrent à l’usine. 





 Lettre de Georges envoyée à Fougères de Falkensee. La date au crayon
 "22 novembre" est celle de la réception, siot un délai de 4 mois et demi.

Chère Mère, chères Soeurs,

 Je vais très bien et je garde courage et j'espère qu'il en est de même pour.vous. Mon père se porte également très bien en Allemagne. Je peux recevoir des lettres et des  colis légers avec de la charcuterie. Je peux  aussi recevoir des paquets de la Croix Rouge.
 Embrassez très fort toute la famille et les amis.J'arrête ici , je vous embrasse chaleureusement.
 Votre fils et frère.
 G.Boivent fils










   Georges a eu la chance d’avoir comme comme Kapo (chef) à la colonne 7 Karl Stenzel et comme Meister Cürt Daubitz, deux chics types qui ont contribué à sa libération.C’étaient deux antifascistes. Georges aura été détenu 41 jours.


                                            L’EVACUATION


   Les Soviétiques déclenchent une vaste offensive sur les fronts de l’Ukraine et de Biélorussie. Rien ne les arrêtera dans leur progression jusqu’à Berlin. Le camp central d’Oranienbourg est libéré le 22 avril 1945. Le kommando de Falkensee, celui de Georges est évacué le 26 avril après d’âpres combats.





Dernier transfert Dessau-Domsbale (29 mai-4 juin 1945). Georges Boivent est le dernier à droite. (Archives privées)


      Les conditions d’évacuation sont fébriles. Des déportés occupent la place des SS dans les miradors. Des escadrilles soviétiques survolent le camp et bombardent les positions allemandes. Des résistants français se sont organisés à l’intérieur, les forces françaises de Falkensee regroupent 140 hommes. Grâce aux négociations entre les dirigeants du comité Résistant où figurent Georges Boivent, le chef de camp et le commandant de la Werhmacht,  les gardes SS sont évacués contre remise d’un sauf-conduit .

    Georges Boivent trouve refuge dans des cabanes jusqu’au 2 mai 1945. Les SS reviennent et Les Soviétiques réussiront à les traquer. A partir de là, c’est une longue marche à pied en direction de l’Elbe, des Américains et de la France, avec comme étapes Nauen, Fischbeck.Transportés par camions russes face à Dessau, les prisonniers sont ensuite pris en charge par le train, dans les conditions sordides,des wagons à bestiaux, et ils passent la frontière française le 4 juin.Son père décède pendant le convoi.Georges Boivent atteint ses 19 ans, juste un an jour pour jour de son passage en Allemagne. Accueil à Dombasle, près de Nancy, puis arrivée à Paris, à l’hôtel Lutetia.


   Ainsi prenait fin le calvaire d’un jeune résistant de Fougères. Ses mémoires permettent de voir le quotidien des camps de la mort. L’horreur des SS se lit chaque jour mais  aussi le courage et la fraternité des antifascistes, y compris dans ces baraquements et sur les places de ces camps.


                                                          Daniel Heudré



 
      Le Triangle Rouge, collecte de récits de déportés, dont ceux de G. Boivent .
 Archives municipales, Fougères.

                                D.R. Société d'Histoire et d'Archéologie du Pays de Fougères.





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