lundi 7 mai 2012

FRANCOIS-RENE de POMMEREUL I : l'esprit des Lumières


FRANCOIS-RENE DE POMMEREUL, 1745-1823


    


Le général François-René de Pommereul a marqué l’histoire de Fougères, par son adhésion à l'idéal de l' Encyclopédie, son goût artistique et sa collection de beaux ouvrages, ainsi que par les fonctions politiques qu’il a exercées sur le plan national.

Le général François-René de Pommereul,  gravure de Chrétien. Archives municipales, Fougères



      Fougerais  d’origine - il était le fils de Louis Pommereul, conseiller du roi et  procureur de Fougères - François-René de Pommereul se passionnait pour l’Histoire, la Littérature, la Philosophie, les Arts et les Sciences. Il est entré de plain-pied dans l'effervescence intellectuelle et la remise en cause de l'ordre établi qui ont préparé la Révolution ; à Fougères, il  a fondé une «société de lecture» et  il était membre de la loge maçonnique  "L'Aimable Concorde".


 Blason du général Pommereul: la plume, le canon, le rempart:
 trois symboles, trois axes de vie.
 Collection des dessins, Médiathèque de Fougères.


UNE PLUME REDOUTABLE


      Esprit brillant, curieux de tout, il a beaucoup écrit sur quantité de domaines, tantôt artistiques et historiques tantôt très techniques sur l’artillerie, la manière d’entretenir les chemins... Sur le plan artistique, il a contribué à la diffusion  du goût nouveau néo-classique en traduisant des auteurs italiens admirateurs de l'Antiquité et en exprimant ses propres choix. Sur le plan des idées, il s'est intéressé à Epictète qu'il a traduit et commenté et il  s'est engagé dans le combat des Philosophes des Lumières : on lui  doit plusieurs essais , autant de torches allumées, dont "Recherches sur l'origine de l'esclavage religieux et politique en France ",violente diatribe contre l'obscurantisme, qui  assimile la France du XVIIIè à la Gaule arrièrée décrite par César... et s'achève sur une prière parodique appelant l'avènement  d'un prince philosophe (p.53-54).  L'ouvrage est  directement lisible sur ce lien:


http://books.google.fr/books?id=nJgfAAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false





        Le général de Pommereul est co-auteur du Dictionnaire universel des sciences morale, économique, politique et diplomatique ou Bibliothèque de l'homme d'Etat et du citoyen (1777-1783)ouvrage en 30 volumes, proche de l'Encyclopédie par sa conception et sa mentalité progressiste.

      Ses attaques contre le clergé et les croyances religieuses sont tout aussi virulentes dans "Etrennes  au clergé de France", "Contes Théologiques", Pièces Satiriques"  ces dernières écrites avec Voltaire et Crébillon.  Pommereul a aussi collaboré au journal fondé par l'imprimeur Panckoucke, La clef des cabinets des souverains.


 
L'EPEE OU LE CANON

Son parcours, servi par une grande habileté, une forte ambition et un certain opportunisme, n’est pas banal. Très tôt, il commence une carrière militaire dans l'artillerie à Toul. Il participe à la campagne de Corse (1768-1769). Il écrira d’ailleurs une Histoire de l'Ile de Corse en 1779 ; la sympathie qu'il affiche pour la famille Buonaparte sera récompensée par la suite.

 Le roi Louis XVI l’envoie à Naples au service du roi Ferdinand IV, roi des deux Siciles, allié de la France, afin d’y organiser l’artillerie. La Révolution le surprend à son poste à Naples ; sa femme et ses fils sont arrêtés à Rennes. Empêché de rentrer en France bien qu'il se soit très tôt prononcé en faveur de la Révolution, inscrit à son insu sur la liste des émigrés, il reste consigné en  Campanie jusqu’en 1795 ; en septembre 1796, peu après son retour, le Directoire lui propose l’inspection de l’Artillerie et le nomme général de division.


LE SERVICE de L'EMPIRE



        Après  la prise de pouvoir de Napoléon, les distinctions pleuvent :  il devient baron d'Empire . On lui confie la préfecture de l'Indre-et-Loire en 1800, il s'y montre administrateur autoritaire et combatif à l'égard du clergé et, sur ce point, il  peut  compter sur un allié fidèle, aussi anticlérical que lui, le père de Balzac ; ses querelles répétées avec l'épiscopat de Tours entraînent sa mutation en 1806 à la préfecture de Lille, plus importante encore.
      Devenu Conseiller d'Etat en 1810 , il est promu, au cours de l'année 1811, Directeur général de l’Imprimerie et de la Librairie impériales où il succède à Portalis, réputé proche du pouvoir clérical ; il le reste jusqu’en 1814. Chargé de  surveiller les  parutions  hostiles au régime impérial et de mettre au pas les imprimeries clandestines, en application des restrictions sur les libertés de presse (1810), il s'attire quelques inimitiés ;toutefois l'imprimerie fougeraise Vannier, assez nostalgique de l'Ancien Régime, lui doit sa survie.  Ainsi le défenseur des libertés d'expression  à la veille de la Révolution est devenu  grand censeur,lui qui écrivait dans "Recherches sur l'origine de l'esclavage religieux et politique du peuple en France":
          "La gêne où  l'on tient la presse et la défense d'imprimer sans permission, sans passer sous le couteau des censeurs, ne ressemble-t-elle pas à cette vieille coutume des Gaulois? Hélas, quand cesserons-nous d'être Gaulois!"



         La Restauration provoque sa chute. Il revient aux affaires publiques comme Conseiller d'Etat pendant les Cent-Jours. Son hostilité au retour de la monarchie lui vaut l'exil à Bruxelles jusqu'en 1819 ; cette même année, il fait paraître "Essai sur l'Architecture" , traduction  du critique d'art italien Milizia, précédée de sa propre réflexion sur les critères du goût.




 AU  CHATEAU DE FOUGERES


 Plan du  site du château "dédié à M. de Pommereul, capitaine au corps de l'Académie
  Royale de Marine" , 1780. Archives  municipales de Fougères.


      En 1778, Pommereul se voit confier la direction des travaux de remise en état du château de Fougères  pour l'internement des prisonniers anglais. Locataire du château depuis 1784, il en devient pleinement propriétaire " à perpétuité", par arrêté préfectoral en 1802 ; les moulins de la Tranchée, près de la porte Notre-Dame, et le four voisin sont annexés à sa propriété .

     Il a eu pour son château des vues très pragmatiques : il le rend habitable et utile : les tours  Raoul et Surienne sont transformées en quartier de caserne et en granges à fourrage...  il aurait envisagé d'en faire une demeure agréable, si l'on en croit les projets d'aménagement conservés aux Archives municipales de Fougères. Le réalisme et l'urgence l'ont emporté...

     Et pourtant, c'était un homme de goût  et  plus, un théoricien du goût, du moins dans ses écrits : n'a-t-il pas été propriétaire de l'hôtel Carnavalet, fleuron de la Renaissance, à partir de 1812 ?  Il y avait installé l'office de l'Imprimerie et de la Librairie et en a fait, pendant quelques années, sa résidence parisienne. 



 L'entrée du château, dite l'Avancée , immeuble de la cour intérieure  au XIXè,
  Médiathèque  de Fougères.


    Jusqu'en 1891, le château est resté propriété privée de la famille  de Pommereul (3ème génération ). Il était en ruine quand elle l'a mis en vente ; la Ville de Fougères l'a acquis en 1892, sur l'insistance d'Albert Durand, sensible à la valeur du patrimoine médiéval.










        Sur la fin de sa vie, il séjourne de temps à autre au château de Marigny, en Saint-Germain-en-Coglès, ancienne résidence de la soeur de Chateaubriand, acquise en 1810. Il meurt à Paris en 1823 et est inhumé dans la  chambre funéraire de la chapelle de Marigny.

 Son "Histoire de Fougères" est restée inachevée mais il nous a laissé  ses "Notes historiques sur la ville de Fougères"(1769) , manuscrit conservé à la Médiathèque de Fougères ,  un bref récit de sa  carrière  sur quelques pages manuscrites, en forme de" plaidoyer pro domo" alors que des individus malveillants  l'accusaient à tort d'avoir soutenu la conjuration du général Malet contre l'Empereur (1812) et  une oeuvre  fort importante, autant de sillons d'Histoire , aujourd'hui recouverts par l'oubli.


    Chateaubriand, qui avait rencontré le général de Pommereul, écrit sur lui quelques lignes assez venimeuses dans  «Mémoires d’outre-tombe » 
       "  Plusieurs bretons étaient au nombre des convives, entre autres le chevalier de Guer et Pommereul. Celui-ci était un beau parleur, lequel a écrit quelques campagnes de Bonaparte, et que j’étais destiné à retrouver à la tête de la librairie.
Pommereul, sous l’Empire, a joui d’une sorte de renom par sa haine pour la noblesse. Quand un gentilhomme s’était fait chambellan, il s’écriait plein de joie : « Encore un pot de chambre sur la tête de ces nobles ! » Et pourtant Pommereul prétendait, et avec raison, être gentilhomme. Il signait Pommereux, se faisant descendre de la famille Pommereux des Lettres de Mme de Sévigné."


 François -René de Pommereul est resté un  homme de compromis et de contradiction qui  a  suscité  autant d'éloges  que de réprobations.
 



 A l'occasion de la Sainte Barbe,patronne des artilleurs, hommage de la ville de Naples "au mérite toujours grand de François de Pommereul, chevalier  de l'Ordre  royal et militaire de Saint-Louis", ... en forme de sonnet,1789.  Amusant pastiche des Psaumes, quand on pense au destinataire.... Archives de Fougères.


                                               Texte et images: Jean-Paul Gallais.

                                                                                           Images protégées. 
    
  A suivre: F-R de Pommereul II, l'amateur d'art et le bibliophile.

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